Le Magic Blog de Morgane Chap - Une sorcière chez les moldus

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Le Lièvre de la Shoah de Claude Lanzmann

 

A priori, rien de moins magique que Le Lièvre de Patagonie de Claude Lanzmann. L'auteur de cette autobiographie qui traverse le siècle n'invoque pas des créatures maléfiques surgies du néant, mais évoque seulement des souvenirs venus de passé. Quoique...

Rien de moins merveilleux que ce livre dont l'aspect le plus "magique" tient à la rencontre d'un grand lièvre au milieu d'une route, un soir en Patagonie. A moins que par Merveilleux on entende ce qui ne devrait pas exister du fait de sa rareté, de ses qualités exceptionnelles, et de son caractère précieux.

Alors oui ce témoignage écrit au présent qui rescucite les grands moments de l'histoire du monde auxquels fut confrontés l'auteur peut être qualifié de merveille.

Lanzmann, chacun le sait, est le célèbre réalisateur du film Shoah. Un film atypique qui n'utilise aucune image d'archive, et refuse le qualificatif de documentaire dont il rejette les techniques. Shoah est un film de témoignages. Et face à la parole des survivants, victimes, acteurs ou témoins du génocide des juifs, il n'y a pas le support des images. Ces images insoutenables du film Nuit et Brouillard sont aussi une béquille pour nous, qui nous permet d'extérioriser le Mal, en lui donnant un support. Les images usées et abîmées permettent aussi de ressituer l'action dans un passé lointain et rassurant.

Rien de tout celà dans le lièvre de Patagonie et dans le film Shoah. Tel un invocateur, Lanzmann, par la parole -la sienne, élégante, précise, déterminée, et celle de ses contemporains, Lanzmann donc, nous force à un travail d'imagination et d'intériorisation du Mal et de la Destruction. Il ne cherche même pas à comprendre, ni à crier "plus jamais celà". Son objet est seulement de recréer au présent dans l'esprit de chacun ce qu'a pu être le crime épouvantable mis en place pour qu'il était convenu d'appeler pudiquement alors "la solution finale".

Le pari a été gagné au point même que le titre du film Shoah est désormais utilisé pour qualifier l'évênement, "la chose" comme l'appelle Lanzmann.

Si le film -et le livre- on pu sembler si difficile à aborder pour certaines personnes c'est parce qu'il nous confronte à notre capacité d'imagination. Oui chacun d'entre nous peut concevoir le mal absolu. Chacun peut le recréer dans son esprit avec l'aide des témoignages et l'instantanéité de la parole. Nul besoin d'images pour imaginer...

C'est ce qui fait de Shoah un des plus grands films de ce siècle, qui parle non seulement de la perte du peuple juif et de la mémoire, mais surtout de l'humanité toute entière. L'horreure est humaine, elle se cache dans notre cerveau.



01/05/2011
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